COACHING I

PUISSANCES ET LIMITES DE LA VOLONTÉ 

La volonté nous détermine, non l’objet ni l’instinct ; je parle, je chemine, je sens en moi certain agent.

Tout obéit, dans ma machine, à ce principe intelligent. 

C’est la Fontaine qui définit ainsi la volonté. 

Comment s’exerce t-elle ?

Si je suis invité à une soirée, je me pose la question : “irais-je ou n’irai-je pas”?

Je pèse ensuite le pour et le contre ; puis je décide “oui” ou “non”. 

Cette décision constitue un acte de volonté, déterminé par des circonstances extérieures (ici, l’invitation) ; des circonstances intérieures (l’humeur, l’état de fatigue, l’état psychique, la façon de voir les choses, le besoin de s’amuser, la peur du monde, etc.)

De même, si je dois me rendre chez le dentiste, ma façon de vouloir sera différente selon que je soufre ou non, que j’ai peur ou non, que je suis nerveux ou non. 

On voit ainsi qu’un acte de volonté dépend de nos tendances, de nos penchants, nos humeurs, nos passions.

Nous “voulons”, c’est entendu, mais il y a toujours quelque chose en nous qui influence notre décision… sans demander notre avis. 

Ce qui ramène les vanités humaines à de plus sages proportions …

En outre, dans beaucoup d’actes “volontaires”, que de raisons qu’on n’oserait pas s’avouer !

Que d’esprit de compétition, de désir de surpasser les autres, de les dominer ! 

Que d’envie aussi d’avoir raison, de se prouver à soi-même qu’on est “fort”, de démontrer qu’on est capable de se mater, qu’on a de la force de caractère…

Alors ? Y a-t-il une vraie et de fausses volontés ; y a-t-il un original et des copies caricaturales de la volonté ? Sans doute. 

Pour beaucoup, vouloir signifie serrer les poings et les mâchoires, froncer les sourcils et foncer sur les obstacles. 

Rien n’est plus faux que cette conception. 

 

Pour d’autres, la volonté est vue à travers une série de lieux communs considérés comme valables une fois pour toutes, de cet aloi : 

 

  • Vouloir ? C’est pouvoir dire non envers et contre tout.

  • Quand je veux, je veux !

  • Qui veut, peut ! (c’est ce que l’on rabache sans cesse aux malades psychiques sans savoir ce qu’on dit).

  • Quand j’ai décidé, c’est décidé. Les meilleurs raisons du monde ne me ferait changer d’avis !

  • La volonté, c’est surmonter les obstacles. 

  • La volonté ? C’est tenir à ses idées avec une fermeté inébranlable. 

  • Si je dis non, c’est non. 

  • Il faut vouloir avec férocité …

Tous ces comportements sont des manifestations inférieures de volonté : ils ressemblent aussi peu à la volonté véritable qu’une plaque de zinc à un lingot d’or …

Agie volontairement, c’est agir pour des raisons conscientes, et rien d’autre. 

Si nous disons “je veux”, il semble normal que nous sachions au moins pourquoi ; que nous sachions consciemment pourquoi nous choisissons ou décidons ceci ou cela. 

Quand on dit “je veux”, la moindre des choses est de pouvoir énumérer consciemment les raisons pour lesquelles on veut. 

Mais, sept fois sur dix, on pourrait assister au dialogue suivant : 

  • Je le veux !

  • Pourquoi ?

  • Parce que je le veux ; un point c’est tout. 

Ceux qui disent cela prétendront agir volontairement, alors qu’il s’agit, dans leur cas, d’automatisme inconscient et non de volonté réfléchie. 

Agit-on volontairement quand on agit d’instinct, quand on agit sous l’empire de la colère, d’une émotion, d’une envie d’imposer son fait à autrui ? 

Nullement. 

Et c’est ainsi que des millions d’individus disent “je veux” … alors que leur action reste involontaire, même s’ils pensent le contraire !

 

Pourquoi ?

Parce que leur inconscient est plus fort que leur conscient (dans les impulsions et les complexes, par exemple). 

Ces prétendus volontaires ne veulent rien du tout ; c’est leur inconscient qui les poussent à vouloir. 

Voici un homme qui, depuis quelques années, a pris une ferme décision. 

Il s’est juré : “JE VEUX devenir un grand avocat !” 

Il s’est mis à étudier d’arrache-pied, à faire des efforts tenaces, à travailler jusqu’à épuisement, à surmonter cet épuisement. 

Sans écouter quoi que ce soit, il s’est crispé sur son but. 

Supposons maintenant qu’il soit rongé par des sentiments d’infériorité.

Comme il se sent inférieur, il éprouve inconsciemment le besoin de devenir supérieur. 

En ce cas, a-t-il accompli des actions volontaires ? 

(Je veux dire : consciemment volontaires ?)

Très peu !

Ce n’est pas lui qui a décidé de devenir un grand avocat ; ce sont ses sentiments d’infériorité qui l’ont dirigé vers une recherche de supériorité. 

Mais cela, il l’ignore probablement …

Il est convaincu d’avoir accompli des milliers d’actions volontaires ; en fait, il a obéi à des poussées intérieures. 

Le résultat de cette fausse volonté peut être très beau, individuellement ou socialement. 

De toute façon, il n’est nullement le produit d’une vraie volonté !

Dans toute action volontaire, il existe donc toujours un mélange de conscient et d’inconscient. 

Partant, la volonté augmente quand les raisons conscientes augmentent. 

La personne sait alors ce qu’elle veut, et pourquoi. 

La connaissance profonde de soi est donc indispensable. 

En revanche, la volonté diminue quand les motifs inconscients augmentent. 

On peut, dès lors, distinguer une volonté rationnelle, une volonté morale, une volonté de puissance.

Pour ce qui est de la volonté rationnelle, on peut poser comme principe qu’elle n’envisage pas que l’acte à accomplir, mais aussi ses suites. 

L’homme réfléchi se préoccupe de prévoir les conséquences de ses actes ; il sait, par exemple, que l’usage immodéré de l’alcool le fera souffrir dans un temps plus ou moins rapproché. 

Le sachant, il lui est possible de faire la comparaison entre sa santé actuelle et la maladie future. 

Bref, l’homme digne de ce nom est capable d’établir le bilan de ses actes, de les raisonner, de les analyser.

Or, nos raisons conscientes sont toujours mélangées à des forces intérieures obscures (nos instincts, nos impulsions, notre émotivité, notre tempérament, nos besoins). 

En affirmant que la volonté dépend de raisons conscientes, nous voulons dire qu’elle est soumise à la connaissance que nous avons de nous mêmes et des choses extérieures. 

Posons à quelques personnes une question on peut plus banale : 

  • Pourquoi avez-vous décidé de ne plus fumer ? 

Nous aurons, en général, des réponses tout à fait superficielles et ne procédant nullement de la véritable volonté : 

  • Parce que c’est mauvais pour la santé (en fait, il n’en sait probablement rien ; il répète ce qu’on lui a dit). 

  • Parce que c’est une habitude vraiment trop bête (pourquoi ? il sera sans doute incapable d’analyser plus loin). 

  • Parce que cela coûte beaucoup d’argent. 

  • Parce que je veux éprouver ma volonté (il n’est donc pas certain d’en avoir). 

  • J’ai dit non, c’est non (il ne sait pas pourquoi ; il s’agit donc d’obstination et non de volonté … même si le résultat de sa décision est positif).

  • Parce que ma femme ne veut plus que je fume (c’est peut-être le plus lucide !...). 

 

 

Supposons maintenant qu’un médecin décide, lui, de ne plus fumer. 

Pourquoi ?

Parce qu’il est mieux informé et peut analyser profondément les effets du tabac. 

Il compare sa santé actuelle avec les risques de maladie. 

Ce médecin a donc plus de raisons conscientes que les autres. 

On peut dire qu’il a plus de volonté. 

 

 

De même, imaginons un psychanalyste qui prend une décision. 

Il a, de longue date, scruté, fouillé en détail son inconscient. 

Il est donc capable de décortiquer les raisons de sa volonté. 

Il a en mains infiniment plus d’éléments lui permettant de décider lucidement, en connaissance de cause. 

Sa volonté sera évidemment beaucoup plus large et plus claire. 

La volonté morale est celle qui nous dirige vers le bien.

Tout homme a le sentiment que suivre sa raison vaut mieux qu’obéir à ses penchants instinctifs. 

Or, l’homme le plus conscient du monde reste tributaire de ses penchants, de ses instincts.

Ce qui revient à dire que, pour avoir une volonté morale parfaite…, il faudrait être pur esprit.

La psychologie moderne a tendance à ne considérer comme authentique que la volonté recherchant le bien et le mieux. 

Rechercher son plaisir, ses jouissances et ses aises ne met pas la volonté en jeu. 

La volonté de puissance, elle, pousse à la domination de ses semblables, sans prendre garde aux moyens employés. 

Cette volonté de puissance est à la fois nocive et anormale ; elle se base sur des sentiments d’infériorité et d’impuissance, sur le besoin de “faire mieux” que les autres, d’être le plus grand, le plus fort …

Les éducateurs névrosés qui dominent avec autoritarisme sont dans ce cas. 

Ils imposent leur “volonté”... en étant convaincus d’agir “pour le bien” de l’enfant. 

Socialement, l’Allemagne hitlérienne fut un exemple de cette volonté de puissance. 

Autre forme, quoique plus élevée : celle qui pousse l’individu à acquérir de plus en plus de valeur, la maîtrise de soi, à réaliser de belles œuvres. 

Cette volonté est-elle parfaite ?

Certes non ! Elle est à base d’égoïsme. 

On cherche son bien, on réalise son œuvre, on tend vers son affirmation.

C’est le cas de l’artiste qui se donne tout sentir à son oeuvre. 

Il l’accomplit avec une volonté “farouche”. Est-ce de la volonté réelle ?

Non. 

Cet homme tente de se réaliser, cherche sa puissance. 

Mais cette volonté est intrinsèque s’il estime avoir un message à transmettre aux autres.

Il va alors, dans une certaine mesure, vers le bien des autres.

Dans la conception classique de la volonté, l’acte volontaire passe par quatre états successifs. 

La conception : l’acte à exécuter se présente à l’esprit. 

La délibération : pendant laquelle on examine les raisons pour et contre.

La décision : c’est le jugement qui termine la délibération ; on accepte ou on refuse. 

L’exécution : elle suit plus ou moins rapidement la décision. 

Parmi ces quatres états, c’est la décision qui serait l’acte de volonté ; ce qui, théoriquement, est très joli…mais dans la vie courante ?

 

Dans la réalité, beaucoup de délibérations ont lieu à travers tout un fouillis intérieur, une somme invraisemblable de motifs inconscients, à travers les instincts, les humeurs, les peurs, les angoisses, les complexes, la nervosité…

La décision finale dépend avant tout de l'accueil intérieur que nous faisons à l’idée. 

Si un grand timide reçoit une invitation, sa première réaction sera un choc émotif. Comment peut-il décider “volontairement” ? 

Qu’il dise oui ou non, c’est son état de timidité qui l’y poussera en grande partie. Alors ?...

Qui plus est, l’action volontaire n’arrive à son terme qu’au stade de l’exécution. 

Décider quelque chose n’est pas l’exécuter !

 

Entre la décision et l’exécution interviennent souvent des hésitations, des doutes, des ruminations… qui provoquent de nouvelles délibérations et de nouvelles décisions. 

Très fréquemment, une décision est prise, mais la personne ne passe jamais à l’action. 

C’est le cas banal des fumeurs et des buveurs qui “décident” de changer de comportement. 

C’est également le fait de beaucoup de malades psychiques (les psychasthéniques, par exemple) : ils “veulent” faire des tas de choses ; ils décident que “demain” ils accompliront ceci ou cela … et jamais ils ne passent à l’exécution. 

L’action volontaire est bloquée en cours de route. 

Finalement, la volonté existe-t-elle ? 

Supposons que nous soyons dans la rue. 

Nous y croiserons un vieillard poussant une charrette lourdement chargée. 

Les gens autour sont - ou ne sont pas - remués par ce spectacle. 

L’un, qui a bon cœur, comme on dit, s’en afflige … et on ne va pas plus loin. 

L’autre songe à porter son aide, parce qu’il juge que c’est son devoir, parce qu’il trouve cela normal, parce qu’il se met à la place du vieillard et ainsi de suite. 

Le troisième, timide de nature, se débat contre sa peur du qu’en-diras-t-on, sa peur du ridicule, que sais-je encore…

Le premier à agir, en portant secours au vieillard, sera content ou fier d’avoir accompli une bonne action, d’avoir répondu à l’appel de sa conscience, etc…

Le timide, qui s’est détourné, qui a fui moralement sa responsabilité d’homme, est honteux de lui-même, de sa pusillanimité. 

En jugeant les choses à froid, on aura tendance à considérer le premier comme volontaire, le second comme lâche. 

Est-ce vrai ? 

Les hésitations et les décisions de l’un et de l’autre ont été dictées par des motivations obscures (timidité, sens moral, pitié, sens de la solidarité…). 

Au fond, on pourrait aller jusqu’à dire que la volonté réelle n’a rien à voir dans tout cela, mais qu’il s’agit d’une somme de réflexes compliqués, s’imbriquant les uns dans les autres et qui agiraient malgré nous, sans que nous y soyons pour rien. 

Qui l’a emporté ? …

Le réflexe le plus puissant, tout simplement. 

Dire cela serait la négation pure et simple de la volonté telle qu’on l’entend ordinairement. 

Prenons maintenant le cas d’un autre passant : sans conflit intérieur, sans hésitation, ni impulsion émotive, ni honte, ni ostentation, il traverse et pousse la charrette. 

Il n’a fait aucun effort pour décider son action.

Cela s’est décidé en lui, spontanément.

Il le fait avec une simplicité et un naturel parfaits. 

Il est certain que cet homme a plus d’aisance mentale que les autres. 

A-t-il dû mettre sa volonté en branle ?

Non.

Tout d’abord parce qu’il n’a rien raisonné. Alors ?...

A-t-il obéi, lui aussi, à des réflexes, dans son cas plus parfaits que ceux des autres ?

Qu’est-ce donc que la volonté, sur laquelle philosophes et psychologues se sont penchés durant des siècles, sans jamais arriver à la définir ? 

Existe-t-elle ou prend-on l’illusion pour réalité ? 

On dit : “Je veux”, bien sûr …

Mais ne le dit-on pas afin de traduire des réflexes devenus conscients ? 

Quel est notre rôle, dans ce cas ? 

D’élucider nos réflexes ; de pouvoir se dire : “J’ai voulu et décidé ceci ; quels sont les réflexes qui m’y ont poussé ? d’où viennent-ils et pourquoi ? quel est le jeu intérieur involontaire qui produit une action que je crois volontaire ?”. 

Ainsi, une nouvelle question se pose : la volonté suppose-t-elle un effort, une crispation, une tension ? 

Pour le sens commun, oui. 

On croit généralement que la volonté doit être tendue par un effort, qu’il n’y a pas de volonté sans effort. 

Or, nous allons le voir, la volonté demandant un effort n’est pas une volonté de bonne trempe. 

Prenons l’exemple de deux écoliers. 

Le premier, très doué, mentalement puissant et de bonne vitalité, ne doit pas faire d’effort. 

Il jongle avec les difficultés, fixe son esprit avec facilité, comprend immédiatement, sans la moindre difficulté, arrive aisément au bout de tous les problèmes qu’il a à résoudre, sans fatigue exagérée. 

Le second, peu doué, cérébralement faible et de vitalité déficiente, avance péniblement, doit accomplir des grands efforts, n’arrive pas à fixer son esprit. 

Malgré tout, il continue en se crispant. 

Il “bande toute sa volonté”. 

Peu à peu, il arrive au bout du problème, et réussit. 

Lequel de ces deux-là possède une volonté réelle ? 

Pour le sens commun, c’est le second. 

Parce qu’il fait des efforts. 

Parce qu’il continue malgré tout. 

Mais pourquoi continue-t-il ?

C’est ce qu’il faut connaître en premier lieu. 

Ce peut être : par désir de compétition ; par peur d’être inférieur aux autres ; par crainte du mépris ; par désir de terminer honorablement ses études, afin que les sacrifices de ses parents ne soient pas inutiles ; par peur de ses parents …

Comme il fait fait de grands efforts pour surmonter ses difficultés, on l’admire. 

Ce qui est naturel si ses raisons sont nobles et son sens moral élevé. 

Mais cela ne prouve nullement qu’il s’agisse de volonté réelle. 

Même si le sens moral est très élevé. Mais cela ne prouve nullement qu’il s’agisse de volonté réelle.

Même si le sens moral est très élevé, il s’agit d’une volonté de peu de valeur, due au manque de puissance et à la crispation.

Quant au premier de ces écoliers, qui atteint le but sans effort, il possède, lui, la véritable puissance, qui lui donne une aisance naturelle. 

il conserve intacte son énergie, ainsi que l’harmonie de son moi. 

Or, la volonté est un acte conforme à la raison consciente et à l’harmonie intérieure. 

Qu’il ne doive pas accomplir d’effort prouve la perfection de son action. 

C’est lui qui possède la volonté réelle ; parce que la volonté est une perfection et une puissance. 

 

Veut-on un autre exemple ? 

 

Voici celui d’un écrivain qui écrit sans effort, puissamment, en souriant, sans aucune crispation. 

Il travaille rapidement, régulièrement, sans hésitation ni fatigue. 

Il connaît lucidement son but et va vers lui avec toute son intelligence et toute sa vitalité.

Au bout d’un certain temps, la fatigue vient. 

Il continue néanmoins son travail et va au-devant d’un épuisement de plus en plus grand, commence à se crisper, à “perdre le fil de ses idées”.

Il se tend. 

Il continue encore, dominant sa fatigue et en “matant” son corps. 

Il se concentre et s’obstine. 

Il lutte péniblement, afin d’arriver au bout de son travail (pour une raison quelconque). 

Quand a-t-il fait montre, cet écrivain, de volonté réelle ?

Celle-ci étant un acte conscient et raisonnable, ce n’est qu’aussi longtemps qu’il était plein de vitalité, de lucidité et d’aisance, qu’il agissait volontairement et avec naturel. 

Tout au contraire, sa volonté vraie le quitte à l’instant où il se crispe : son énergie diminue … et sa volonté suit le même chemin.

Il s’obstine et va vers son but avec un moi diminué par la fatigue. 

C’est alors qu’il doit faire appel à “toute sa volonté”... ce qui est la preuve qu’il en manque. 

Il tombe dans une forme dégradée de volonté. 

Dans le langage courant, volonté signifie effort.

Et l’on pense que la volonté n’intervient que lorsqu’il faut vaincre, mater, dominer, obtenir le pouvoir sur autrui ; on croit que la volonté n’est destinée qu’à surmonter les difficultés. 

Cette opinion se base sur des observations partielles ou faussées. 

Si vous devez faire un effort, c’est preuve de votre imperfection ; si vous devez déployer un effort colossal pour soulever cinquante kilos, c’est que vous n’êtes pas fait pour cela. Au contraire, si vous le faites avec aisance, c’est que vous possédez une force adaptée à votre tâche.

L’effort est évidemment une marque de volonté, mais d’une forme mineure de volonté. 

La volonté majeure prend appui sur l’équilibre dans la puissance : c’est pourquoi elle n’exige pas d’effort. 

C’est lorsque la volonté devient imparfaite qu’on doit faire des “efforts volontaires”. 

Bien sûr … cela dérange un peu les croyances courantes, mais je n’y puis rien. Telle est la loi biologique … et simplement logique. 

D’autant plus que la réalité est infiniment plus belle que l’illusion. Un homme lucide et conscient se réalise plus pleinement qu’un homme vivant à tout instant aux limites de l’épuisement et sans cesse tributaire de son inconscient.

En toute circonstance, faire un effort volontaire est le signe d’une impuissance de la volonté. 

La volonté parfaite demande que l’homme tout entier aille vers son but, avec son bon sens, sa raison et son intelligence. 

Si des tendances contradictoires s’opposent en nous, nous n’irons vers l’objectifs qu’avec une partie de nous-mêmes… et nous passerons à côté. 

Les tendances contradictoires coupent l’union de notre personnalité et divisent notre volonté. 

Nous avons alors des volontés partielles, crispées et opposées l’une à l’autre, se dirigeant vers des cibles que nous ne voyons que partiellement…

 

Voici une mère qui se dévoue pour ses enfants et se tue au travail.

Elle fait de terribles efforts pour arriver au bout de sa tâche. 

A-t-elle de la volonté ?

Oui, puisqu’elle “veut arriver”. 

Mais est-ce de la vraie volonté ? 

Non. 

Ce sont des volontés fragmentaires et crispées, dues à l’épuisement. 

Quelle que soit la beauté morale de l’action de cette mère, sa volonté réelle devrait lui conseiller plutôt de récupérer suffisamment, de temps à autre, pour n’avoir plus à faire d’effort…

La volonté doit être comme l’élégance : peu voyante. 

 

A quoi la notion de volonté nous fait-elle songer ?

A la ténacité : l’homme est résolu à aboutir et, pour se faire, emploie certains moyens. 

 

Mais on confond souvent ténacité (qui est puissance équilibrée) et obstination (qui est impuissance et faiblesse). 

À la maîtrise de soi, qui est l’aptitude à dominer ses sentiments, ses instincts…

À l’esprit d'initiative, qui est l’aptitude à entreprendre une tâche nouvelle. 

Avant d’examiner les circonstances qui favorisent la volonté, voyons celles qui lui font obstacle. 

On connaît la maxime “qui veut, peut !”. 

Bon nombre de gens sont à peu près convaincus de la vérité de cette affirmation … parce qu’ils n’en ont jamais eu d’autre à leur disposition. 

Ils l’ont rarement vérifiée, sauf à travers de vagues expériences qui ne portaient pas à conséquence. 

Et les voici atteints d’une maladie quelconque. 

De nombreuses difficultés surgissent alors, surtout dans les maladies psychologiques. 

Les circonstances les plus banales exigent d’eux des efforts héroïques. 

C’est donc le moment de faire appel au “qui veut, peut !” et de le mettre en pratique. 

Prenons le cas d’un neurasthénique : soudain, sa maladie l’oblige à ruminer mentalement, à hésiter avec angoisse, à ne pas oser, à ne pas agir. 

Il songe alors : “Si je veux, je peux. C’est du moins ce qu’on m’a toujours dit”.

D’ailleurs, ses amis ne se privent pas de le lui répéter !

Le voilà donc parti avec le proverbe en tête, qu’il se rabache à longueur de journée. 

Que se passe-t-il alors ?

Le mot de passe ne répond plus… 

Notre homme a beau se dire sincèrement : “Je veux, donc je peux” ; rien ne va plus ! Il accumule les efforts, se crispe, cherche désespérément à se “mater” au moyen de sa “volonté”. 

Sans résultat positif, sinon un épuisement de plus en plus grand. 

Alors, troublé, le malade se demande si la fameuse maxime n’est pas une aimable plaisanterie inventée par des gens bien portants et, il faut bien le dire, là il touche la vérité du doigt. 

Notre malade constate une chose : lorsqu’il avait la santé, il était capable de vouloir comme n’importe qui.

Maintenant, le voici devenu incapable de vouloir. 

La volonté ne serait donc qu’un simple effet et qui demanderait des conditions précises pour se manifester ? 

C’est la vérité même. 

Comme toute manifestation humaine, la volonté est soumise à des lois. 

Voyons donc ce qui freine ou annule la volonté. 

Les principales entraves à la manifestation de la volonté pure sont : l’impulsivité exagérée,

l’inhibition excessive,

le manque d’énergie,

les fausses énergie (fatigue, agitation, nervosité, émotivité),

l’indifférence maladive,

la raideur mentale,

l’entêtement,

l’obstination,

les opinions ancrées,

la crispation,

l’agressivité,

la bêtise,

la prédominance de l’inconscient,

les tiraillements de la personnalité,

l’incapacité de synthèse mentale. 

 

L’IMPULSIVITÉ EXACERBÉE

L’impulsion est l’élan irrésistible qui pousse l’individu à accomplir un acte sans le raisonner. 

L’impulsif est bien souvent explosif. 

Il fonce.

Il est incapable de se freiner et de diriger sa vie de façon équilibrée. 

Il est guidé par des désirs élémentaires, des automatismes inconscients et une affectivité déréglée. 

Il agit souvent de manière “forcenée”. 

Chef, il commande sèchement, avec mépris, et se considère comme un “meneur d’hommes” fort “volontaire”. 

Il n’hésite jamais, va sans cesse de l’avant et n’admet pas pouvoir se tromper (sauf quand il désire se donner une apparence de perfection). 

L’impulsif semble donc “vouloir”. 

En fait, il est incapable de contrôler ses actions et manifeste aussi peu de volonté qu’un être réputé faible. 

L’impulsif est, en fin de compte, semblable à l’agité, qui paraît énergique sans l’être le moins du monde, et, comme lui, se lance dans une action exagérée. 

Il court sans cesse, semble bourrée de volonté et de puissance mentale, mais il sait très bien, au fond de lui-même (si toutefois il ose y descendre…), qu’il est incapable de volonté réelle : sous son faux esprit de décision, se cachent l’impuissance, l’inquiétude et l’émotivité. 

C’est un drogué de l’action, souvent hargneux et incapable de revenir sur ses pas pour changer éventuellement de route… Ce n’est pas un volontaire : c’est un automate. 

Jumeau du précédant, l’impulsif à retardement n’a pas de réaction extérieure immédiate : il rumine ; les faits s’accumulent en lui comme de dangereuses munitions. 

Finalement, les circonstances, démesurément grossies, captent toute son attention. 

Sa pression intérieure monte au maximum ; il s’exaspère, s’exalte… et explose. 

L’éclatement est d’ailleurs fréquemment souhaité par lui-même, afin de faire tomber sa compression psychique !

Il peut donc, lui aussi, donner l’impression d’une volonté passant spontanément à l’action. 

Il n’en est rien…

Il suffit de le regarder pour s’apercevoir qu’il se trouble, devient vite nerveux, saccadé. 

Sa voix est hachée et, à mesure que sa colère s’exacerbe, il perd le contrôle de ses gestes, de ses paroles. 

Il n’y a donc chez les impulsifs aucune volonté, mais une obéissance pure et simple à des forces instinctives et inconscientes. 

 

L’INHIBITION EXCESSIVE 

L’inhibition consiste à freiner un mouvement ou une pensée spontanés. 

Elle permet de ralentir l’action projetée, afin de la raisonner, de la justifier. 

Tout être normal connaît ces instants où l’on reste ainsi “un pied en l’air” avant de passer à l’action volontaire, mais cette hésitation est alors normalement courte. 

Rien de tel dans l’excès d’inhibition. 

L’arrêt se prolonge longtemps ; l’inhibé hésite longuement, rumine, doute, revient sans cesse sur ses décisions, au point, même, que l’inhibition peut aboutir au blocage total de l’action projetée.

L’inhibé se dérobe devant l’action parce qu’il est incapable de surmonter son appréhension. 

La volonté n’est pas absente, mais prisonnière. 

Ainsi, un timide “veut bien” montrer de la décision ; mais il ne “peut” pas. 

Parce que ses freins intérieurs sont plus puissants que son désir de vouloir. 

Il est semblable à une voiture qui tenterait de rouler avec des freins serrés. 

En fait, l’inhibé attend que les événements décident pour lui, ou qu’une personnalité plus forte le dépanne. 

C’est ce qui arrive fréquemment dans la timidité, la dépression, les sentiments d’infériorité, les affaiblissements psychiques, les névroses, les complexes. 

La volonté est la faculté d’agir consciemment. 

Agir demande une part d’impulsion, bien évidemment ; mais nous venons de voir qu’un impulsif “pur” ressemble à une girouette dans le vent, même s’il semble agir avec une grande énergie volontaire. 

C’est donc que l’action exige aussi un juste freinage des impulsions (inhibition). 

D’où l’on conclut que l’action volontaire ne peut s’accomplir sainement que dans un état psychologique d’équilibre entre l’impulsion et l’inhibition. 

Si cet équilibre se rompt pour une raison quelconque, on tombe dans les excès symétriques de l’inhibition ou de l’impulsion ; l’une et l’autre étant signes d’un manque de volonté. 

 

LE MANQUE D’ÉNERGIE

Nous avons longuement étudié la fatigue ainsi que ses deux aboutissements : l’épuisement et l’agitation. 

On conçoit très bien que l’épuisement produise un manque de volonté : une personnalité affaiblie manifestera une volonté amoindrie. 

Il en va de même dans le cas de l’agitation, que l’on peut comparer à l’impulsivité exagérée.

L’agité accomplit de nombreuses actions, sans s’arrêter et sans même ressentir son épuisement. 

Il donne l’impression de posséder beaucoup d’énergie… alors qu’il n’en a presque plus !

Tributaire d’un système nerveux déréglé, l’agité déplace beaucoup d’air. 

Il déploie, en fait, une fausse énergie, qui se traduit par une fausse volonté. 

Comme pour l’impulsif, les actes de l’agité peuvent paraître extrêmement volontaires, lorsqu’on les considère dans leurs seules manifestations de surface. 

Le manque d’énergie engendre l’émotivité, la nervosité ; du coup, les nerveux et les émotifs perdent leur lucidité… donc leurs moyens. 

Leur écorce cérébrale fonctionne mal. 

Ils sont sujets à de véritables tempêtes intérieures, dont leur affectivité fait les frais. 

S’ils prennent une décision, sera-ce “volontairement”? 

Non. 

Ils seront poussés par des impulsions produites par leur émotivité…

De même, l’épuisement provoque parfois de faux miracles de volonté. 

On connaît de ces épuisés qui continuent à agir malgré tout, bousculés par un bouillonnement intérieur. 

Sans cesse, ils dépassent leur fatigue et remettent à plus tard leur repos. 

La littérature, le cinéma, et la vie quotidienne regorgent d’exemples de ce genre. 

J’ai cité le cas d’une mère épuisée qui se tuait au travail, en prenant bien soin de noter que les résultats en étaient - et le sont souvent - sublimes, moralement. 

Mais cela ne change rien à la question, qui est celle-ci : en surmontant sans cesse son épuisement, y a-t-il volonté réelle ? 

La réponse est : non. 

Il n’y a pas de volonté, mais crispation sur une tâche donnée, à partir d’une idée qui peut aller jusqu’à l'obsession (obsession du devoir, du dévouement, du travail, de gagner de l’argent, de réussir un travail, de ne pas être).

 

L’ABSENCE D’INTÉRÊT

Toute décision humaine exige une certaine part de participation affective, de curiosité, de “goût” pour les choses. 

Décider une action exige que nous y “mettions du coeur”, que nous nous laissons porter par une espèce d’appétit (de connaître, d’éprouver, d’acquérir) qui est le “sel” même de la vie. 

Or, nombreux sont ceux qui ne parviennent pas à éprouver de l’intérêt envers quoi que ce soit, nonobstant leur bonne volonté. 

Cette absence d’intérêt, cette apathie (textuellement cette absence de passion) conduisent à l’indolence, à la paresse, à la lenteur morbide, à l’inachèvement des actes. 

Les causes de cet effacement de la personnalité sont : mauvaise constitution physiologique, hérédité, mauvais fonctionnement endocrinien, affaiblissement cérébral, névroses. 

Tout au contraire, un intérêt profond pour “les choses” est un tremplin pour la volonté. 

L’absence d’intérêt est, par conséquent, une véritable “maladie de la volonté”, qui doit être traitée comme telle. 

 

LA RAIDEUR MENTALE 

C’est sous cette rubrique que l’on doit placer tous ceux, et ils sont nombreux, qui raidis, figés dans une attitude mentale, ont l’air - flatteur ! - de rochers inébranlables. 

Il n’est pas rare de trouver la raideur mentale chez les inhibés : timides ou atteints de sentiments d’infériorité, ils hésitent longtemps avant de passer à l’action. 

Mais, dès que l’acte est décidé, ils s’y fixent,s’y cramponnent avec une force impitoyable. 

On dirait qu’ils s’accrochent à un crampon de sécurité…

Il y a dans leur décision une fermeté qui pourrait ressembler à de la vigueur mentale. 

En réalité, il s’agit d’une grande faiblesse … Le faible n’est nullement dégagé de lui-même ; il est prisonnier d’une décision à laquelle il se tient. 

Pourquoi ?

Parce que cette décision lui a coûté trop d’énergie. 

Il est incapable de revenir sur sa résolution pour aboutir à une autre…ce qui le replongerait dans les mêmes hésitations. 

Il se tient donc une fois pour toutes à son choix. 

De plus, le faible a besoin que sa décision soit inébranlable !

Telle, elle lui donne la sécurité, puisqu’elle élimine de pénibles doutes ! 

Et c’est ainsi qu’il se fige dans une attitude rigide …

Souvent, il s’en fait gloire et déclare : “Moi ? je ne reviens jamais sur ma décision, quelles que soient les bonnes raisons qu’on m’oppose…”.

Partant, il devient incapable de relâcher sa raideur, qu’il prend pour de la volonté. 

Il s’appuie alors sur des “principes”, afin de mieux justifier son caractère inflexible. 

Beaucoup d’autoritaristes sont dans ce cas, qui causent des ravages éducatifs, en brisant toute volonté propre chez leur progéniture. 

 

OBSTINATION, ENTÊTEMENT, ET AUTRES …

Pires que la raideur mentale, la crispation, l’obstination, la fixation dans des opinions arrêtées courent les rues et les cabinets des psychologues professionnels…

A tout prendre, tel individu qui succombe à la raideur mentale demeure, néanmoins, capable, ne fût-ce que par éclairs, de penser : aussi, s’applique-t-il à expliquer son comportement en s’appuyant, cela est vrai, sur des principes absurdes mais qui conservent toutefois une apparence de cohérence logique. 

Rien de tel chez l’entêté, l’obstiné, le crispé.

Ceux-là ne pensent rien du tout.

Bien qu’ils maintiennent leurs points de vue “ à travers vents et marées”, il n’est nullement question de volonté dans leur cas. 

Ils ne raisonnent jamais leur comportement ; ils en sont incapables. 

Ils déclarent : “... je veux parce que je veux ; je décide parce que je décide, et il est inutile de discuter !”

Leur entourage leur demande parfois : “...mais pourquoi es-tu aussi entêté ?”

Ils ne répondent rien, parce qu’ils sont dans l’impossibilité de fournir une explication quelconque. 

Alors, ils se figent davantage et se crispent sur leurs positions. 

Ils se cantonnent dans une attitude souverainement impériale, essayant de dominer par leur “volonté” tous ceux dont la supériorité leur est une vexation personnelle. 

On comprendra sans mal de ce qui précède que l’esprit ouvert est à l’obstination et à la raideur mentale ce que le jour est à la nuit. 

Avec la bêtise tout court, les sentiments d’infériorité et de frustration sont les responsables affectifs de l’entêtement, de l’obstination et de tous autres maux prenant l’aspect d’une rigidité mentale. 

Rien de tel qu’une pauvreté de connaissances pour que celui qui en est victime puisse se croire possesseur de LA vérité, le jour où il n’en tient qu’un minime lambeau. 

Il en va tout autrement lorsque l’on a su acquérir une belle largeur de vues : la volonté vraie nous est alors donnée par surcroît ; d’abord parce que celle-ci est, dans ce cas, le fruit d’un raisonnement conscient, lucide ; ensuite parce que, par là-même, nous savons faire la part des choses entre l’essentiel et le secondaire, entre les vérités partielles et la vérité globale. 

Beaucoup de choses de ce monde iraient mieux si chacun de nous pouvait se rendre compte que l’on peut avoir raison sans que celui nous fait face ait nécessairement tort…

Celui qui agit sur les seuls conseils de son inconscient n’est pas un être humain, mais une machine. 

La volonté est une faculté supérieure ; elle prend sa source dans une conscience purifiée. 

Beaucoup de gens passent toute leur vie sans avoir accompli un seul acte de véritable volonté, tout en ayant répété “je veux” à satiété. 

Il faut, là encore, songer aux névroses, aux complexes, aux peurs, aux angoisses, aux compensations, qui font agir l’individu à travers une affectivité faussée. 

L’homme ne va vers le but qu’avec une petite partie de lui-même. Et cette partie qui dit “je veux” est souvent la partie malade !

Reprenons le cas de l’autoritariste. 

Il dit “je veux” afin de dominer les autres. 

Pourquoi ?

Pour le seul plaisir de dominer ? 

Nullement. 

Afin de se cramponner à une illusion de puissance et de force. 

C’est donc sa partie malade (sa faiblesse) qui l’oblige à vouloir, parfois pour le malheur des autres. 

Tiraillé en tous sens, toujours sous tension ; sentant que le moindre relâchement de sa volonté-crispation mettrait à nu sa faiblesse inavouée. 

En outre, les conflits intérieurs empêchent la synthèse mentale, la “digestion mentale” de tous les évènements de la vie. 

Nous avons vu avec Janet que certaines circonstances restent mal “digérées” par le cerveau ; exactement comme un repas “reste sur l’estomac” : la foule des activités faussées et des déviations psychiques dont le redressement seul permet d’atteindre à la volonté vraie. 

Partout, ce n’est pas “qui veut, peut” qu’il faille se dire, mais bien plus lucidement : “qui peut, veut”.

La véritable énergie, équilibrée, lucide et harmonieuse produit la véritable volonté, calme, invisible, puissante, durable. 

La fausse énergie, le manque d’énergie, la crispation, la nervosité, la fatigue, l’agitation, l’obstination, l’impulsion, les déviations psychiques produisent la fausse volonté ou le manque de volonté.

La volonté serait donc une question de santé ?

Avant tout, oui !

Mais le terme “santé” doit être pris dans son sens le plus général. 

La volonté demande que le maximum de notre être se porte vers le but ; et cela, avec un minimum d’effort, sans contrainte ni tiraillement intérieur. 

 

Si nous devons faire des “efforts volontaires” pour briser de vieilles habitudes, nous n'envisageons l’action qu’avec une partie de nous-mêmes. 

Ce n’est pas là une véritable volonté. 

L’homme agit, qui possède la force calme. 

Il agit naturellement, parce que agir est le propre de l’homme. 

Tout être lucide et dégagé de ses tiraillements intérieurs possède la volonté. 

Il n’a pas à la chercher en serrant les poings. 

Sans difficulté, la volonté répond immédiatement à son appel. 

Pourquoi ? 

Parce que cela se veut tout seul en lui.

Il lui suffit d’envisager une action pour avoir la possibilité de l’accomplir sans grand effort. 

Une locomotive en bon état fournit de la puissance, l’homme en parfait équilibre mental fournit de la volonté. 

Cultiver sa volonté signifie atteindre la force, l’équilibre, l’intelligence et la lucidité. 

Il n’est donc plus question de “volonté” telle qu’on l’entend généralement ; mais de force morale souveraine, basé sur un mental calme et supérieur. 

 

La fausse volonté est comme un arbre rabougri qui se crispe de toutes ses racines ; la véritable volonté est comme un jeune chêne, puissant et souple. 

Il est absurde de dire : “c’est une question de volonté” ; il est juste de dire : “c’est une question de force et de largeur d’esprit…”. 

La volonté suppose, selon Baudoin, “un faisceau bien lié de robustes tendances”. 

Elle demande que nos forces dégagées se dirigent ensemble dans une même direction. 

 

La volonté est une activité calme, provenant surtout de la libération de soi-même. 

Elle est maîtrise de soi et emprise sur le monde extérieur. 

Il s’agit donc d’éliminer tout ce qui risque de disperser le “moi”. 

Pas de sonate de Mozart sans piano bien accordé ; pas de volonté supérieure sans corps harmonisé !

 

La thèse du Dr Gilbert Robin est bien connue : “ il n’y a pas de presseux ; il n’y a que des malades.

Il n’est de paresseux que les parents, les pédagogues et les médecins qui ne recherchent pas les causes des infériorités qu’ils déplorent”. 

La question est plus vaste encore. 

Comme je l’ai dit, il s’agit de développer et de concentrer son énergie mentale en un point idéal. 

Apparaît alors une volonté magistrale, rationnelle et tranquille. 

Acquérir une énergie équilibrée, signifie : se libérer des freins inconscients qui divisent notre personnalité ; se dégager des conflits intérieurs qui étouffent la lucidité. 

C’est évidemment très difficile ; et pratiquement impossible à réaliser seul. 

Ainsi, un refoulement ou un complexe empêchent l’action de la volonté réelle. 

Les décisions sont prises à cause de ces cristallisations inconscientes. 

Mais l’individu ignore leur existence ; tout ce qu’il constate, c’est qu’il n’accomplit que des actions manquées, qui lui éclatent dans la main. 

Toute sa vie, il passe à côté de la porte ouverte pour se heurter à son propre mur…

S’il tente de scruter lui-même ses déviations psychiques, il ne pourra le faire qu’à travers ces mêmes déviations ; c’est une évidence. 

Cet exemple est valable pour la plupart des déficiences psychiques qui déchirent et qui faussent la personnalité. 

C’est la psychologie des profondeurs et ses praticiens avertis qui sont à même de les dépister d’abord, de les guérir ensuite. 

On peut croire, avec Masson-Oursel que “l’on ne naît pas volontaire ; on le devient par exercice”. 

Et on arrive à une sorte de paradoxe : pour atteindre la volonté réelle, il faut procéder par efforts successifs, bien dirigés, qui ne sont pas la volonté, mais permettent d’y aboutir par entraînement, de même qu’un danseur arrive à l’aisance parfaite et à la maîtrise grâce à une série d’efforts dosés et tendus vers un but. 

Ces efforts ne sont pas la danse, mais ils l’atteignent finalement. 

Pour y parvenir, il faudra : connaître son état physique et mental ; en tenir compte sans cesse ; partant de là, s’exercer à des actes de volition selon ses possibilités et les répéter fréquemment. 

 

L’autosuggestion bien faite peut aider considérablement : il s’agit de déposer une idée dans notre esprit, qui, devenue inconsciente, nous poussera à réaliser automatiquement certaines actions. 

L’éducation dépose en nous des idées.

Ces idées deviennent souvent inconscientes et nous obligent à agir. 

L’autosuggestion permet de semer dans notre esprit des idées qui nous appartiennent et produisent des actions plus personnelles et plus conscientes. 

L’apprentissage de l’attention est également important. 

Au lieu d’éparpiller son esprit, il faut apprendre à “se tenir mentalement” à une tâche : la dispersion mentale est, hélas, le lot de beaucoup d’hommes !

Le cerveau doit pouvoir se fixer sur la chose à réaliser, sans se laisser distraire. 

Il s’agit donc d’une concentration consciente.

Mais attention ! 

Les exercices de concentration ne doivent jamais aller jusqu’à l’épuisement ou à l’idée fixe.

Ils ne doivent être ni trop fortement poussés, ni trop prolongés. 

Il faut couper ces entraînements par des repos, par “vacances de l’esprit”. 

Autre chose : être conscient de soi. 

Cela doit être l’aboutissement d’une analyse psychologique en profondeur, qui fait remonter à la conscience les évènements stagnant dans l’inconscient, les déviations intérieures qui emprisonnent la personnalité et empêchent la volonté. 

 

Mais il est quantité d’autres choses qui troublent la conscience de soi.

Regardons autour de nous… Combien de tics de langage, de gestes, de mimiques !

Là encore, des exercices peuvent être prodigieusement efficaces. 

Tous ces tics sont souvent inconscients ; les exercices arrivent à les éliminer en les rendant conscients. 

S’entraîner à se sentir soi-même dans toutes les manifestations de son corps est d’intérêt capital. 

Il est bon de commencer par sentir ses gestes.

Il s’agit non pas de se maîtriser, mais d’être conscient. 

 

Combien de gestes automatiques, fait-on pendant une journée ? 

Des centaines ou des milliers. 

Ouvrir une porte, boutonner un veston, allumer une cigarette, hocher la tête pour acquiescer ou pour nier, prendre un crayon, secouer la cendre d’une cigarette, ouvrir une fenêtre…

Un excellent exercice consiste à se rendre compte parfaitement de ces centaines d’automatismes. 

Il faut s’entraîner à sentir qu’on fait ceci ou cela.

Sentir qu’on ouvre une porte, avec la totalité de son bras et de sa main. 

Sentir au maximum qu’on prend un objet. 

Sentir consciemment qu’on secoue la cendre de la cigarette. 

Sentir qu’on accomplit tel ou tel geste dans l’espace. 

Je ne puis donner que des lignes très générales. 

Un entraînement poussé demande une direction. 

Mais quel résultat ! 

De toute façon, que l’on fasse l’essai. 

Si vous parlez à quelqu’un, rendez-vous compte à fond que vous hochez la tête. 

Sentez les mimiques de votre visage les froncements de sourcils, les tics de la bouche, les haussements d’épaules ; soyez conscients de ce que vous serrez les mâchoires ; rendez-vous compte que vous faites tel ou tel geste du bras, que vous croisez les jambes, etc. 

Essayez de sentir tout cela jusqu’à la dernière fibre de vos membres…

S’agit-il de dominer “volontairement” ses gestes, ses tics et ses manies ? 

Pas du tout. 

Il s’agit d’en prendre conscience le mieux possible.

Et, si tout cela est bien fait, on constate ceci : la maîtrise de soi commence à s’installer naturellement. 

Certaines déficiences (la timidité, par exemple) bénéficient hautement de la prise de conscience de son corps. 

Ce n’est plus le corps qui dirige l’être, mais celui-ci qui commande à son corps. 

La maîtrise des impulsions s’obtient rapidement par certains exercices. 

Nous savons que l’impulsif n’est nullement volontaire, bien qu’il présente une apparence extérieure de volonté. 

Il agit en robot et dépense son énergie en pure perte. 

La prise de conscience de lui-même sera très utile. Il doit apprendre à sentir les mouvements réflexes de ses bras, de sa tête, de son corps. 

Il prendra conscience de son “échauffement” au cours des discussions et verra qu’il s’agit souvent d’un désir d’avoir raison et de dominer l’adversaire. Il se rendra donc compte que ce comportement est produit par un sentiment d’infériorité. 

La maîtrise des attitudes peut s’obtenir, elle aussi, par rééducation. 

La “conscience des gestes” s’étend vite à la conscience de n’importe quelle attitude. 

Le sujet arrive à des comportements pondérés, impassibles et souples.

Notons que par cet entraînement, l’individu ne se mate pas ; il ne doit pas serrer les dents pour “paraître” impassible. 

Au contraire : son impassibilité devient un automatisme d’aisance. 

Si on lui est hostile, son entraînement le pousse à répondre par une attitude réfléchie, sans vaine indignation ni colère. 

Il aboutit au flegme vrai, l’attitude devient aisée, les paroles judicieuses et lucides…

La volonté est une aptitude supérieure, c’est vrai, mais il serait absurde de conclure qu’elle est réservée à une “élite mentale” : elle est accessible à tous ceux qui, comprenant son mécanisme, acceptent de procéder à leur “nettoyage intérieur”, à l’apprentissage de leur unification. 

 

Crédits : Puissances et limites de la volonté de Pierre Daco

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