LA MÉDITATION 1

L’ENTRAINEMENT DE L’ESPRIT 

La méditation peut être présentée de bien des façons et j’ai dû l’enseigner des milliers de fois. 

Pourtant, c’est à chaque fois une expérience différente, toujours directe et toujours nouvelle. 

Nous vivons heureusement à une époque où beaucoup de gens, de par le monde, commencent à se familiariser avec la méditation. 

Celle-ci est de plus en plus reconnue comme une méthode qui franchit les frontières culturelles et religieuses, s’élève au-dessus d’elles et permet à ceux qui la pratiquent d’établir un lien direct avec la vérité de leur être.

C’est une pratique qui, tout en étant l’essence même de toute religion, transcende les dogmes religieux. 

Distraits de notre être véritable, nous gaspillons d’ordinaire notre vie en occupations sans fin.

La méditation, en revanche, est la voie qui nous ramène à nous-mêmes. 

Elle nous permet de faire l’expérience de notre être dans sa plénitude et de le savourer, au-delà de tout schéma habituel.

Pris dans un tourbillon de hâte et d’agressivité, nous vivons notre vie dans le conflit et l’angoisse ; nous sommes emportés par la compétition, l’avidité, le désir de possession et l’ambition. 

Nous nous chargeons sans répit d’occupations et d’activités superflues. 

La méditation, elle, est l’exact opposé.

Méditer, c’est rompre complètement avec notre mode de fonctionnement “normal”. 

C’est un état libre de tout souci et de toute préoccupation, exempt de toute compétition, désir de possession et saisie dualiste, libre de lutte intense et angoissée, et de soif de réussite. 

C’est un état sans ambition où ne se manifeste ni acceptation ni refus, ni espoir ni peur ; un état dans lequel nous relâchons peu à peu, dans l’espace de la simplicité naturelle, les émotions et les concepts qui nous emprisonnaient. 

Les maîtres de méditation bouddhistes savent à quel point l’esprit est souple et malléable. Si nous l’entraînons, tout est possible. 

En fait, nous sommes déjà parfaitement formés par et pour le samsara, formés à la jalousie, à l’attachement, à l’anxiété, à la tristesse, au désespoir et à l’avidité, formés à réagir avec colère à toute provocation. 

Nul besoin d’effort particulier pour générer en nous ces émotions négatives : nous y sommes si bien entraînés qu’elles s’élèvent spontanément. 

Ainsi, tout dépend de notre entraînement et du pouvoir des habitudes.

Consacrons notre esprit à la confusion : nous savons parfaitement - soyons honnêtes ! - qu’il deviendra un maître ténébreux de la confusion, expert à nous rendre dépendants, subtil et pervers dans son habileté à nous réduire en esclavage. 

Consacrons-le, dans la méditation, à la tâche de se libérer de l’illusion : avec le temps, la patience, la discipline et l’entraînement approprié, notre esprit graduellement se dénouera et connaîtra la félicité et la limpidité de sa vraie nature.

« Entraîner » l’esprit ne signifie en aucun cas le soumettre par la force ou lui faire subir un « lavage de cerveau ». 

C’est au contraire acquérir d’abord une connaissance précise et concrète de son fonctionnement, grâce aux enseignements spirituels et à une expérience personnelle de la pratique de la méditation. 

Vous pourrez alors avoir recours à cette compréhension pour pacifier votre esprit et travailler habilement avec lui, pour le rendre de plus en plus malléable, afin d’en obtenir la maîtrise et de l’utiliser au mieux de ses possibilités et aux fins les plus bénéfiques.

Au VIIIème siècle, la maître bouddhiste Shantideva disait : 

Si l’éléphant Esprit est lié complètement par la corde Attention, 

Toute peur disparaît et le bonheur parfait survient.

Tous nos ennemis, tigres, lions, éléphants, ours, serpents (Cf : nos émotions), 

Tous les geôliers infernaux et les démons, 

Tous sont soumis par la maîtrise de l’esprit, 

Tous sont subjugués par la pacification de l’esprit, 

Car toutes les peurs et les peines infinies procèdent de l’esprit seul.

La liberté d’expression spontanée d’un écrivain n’est acquise qu’après des années de labeur souvent fastidieux, et la grâce d’un danseur n’est atteinte qu’au prix d’un immense et patient effort. 

De même, quand vous recommencerez à comprendre où la méditation vous mène, vous l’aborderez comme la démarche essentielle de votre vie, exigeant de vous une persévérance, un enthousiasme, une intelligence et une discipline considérable.

Pour retourner à la page globale sur la Méditation I de Sogyal Rinpoché, cliquer ici avec gratitude pour ses enseignements