LA MÉDITATION 12

LES EXPÉRIENCES 

Sans doute connaîtrez-vous au cours de votre pratique toutes sortes d’expériences, bonnes et mauvaises. 

De même qu’une pièce possédant de nombreuses portes et fenêtres permet à l’air de circuler librement, ainsi est-il naturel, lorsque votre esprit commence à s’ouvrir, que toutes sortes d’expériences puissent s’y produire. 

Peut-être connaîtrez-vous des états de félicité, de clarté ou d’absence de pensées. 

D’une certaine façon, ce sont là d’excellentes expériences et le signe que votre méditation progresse : quand vous ressentez la félicité, c’est signe que le désir s’est provisoirement évanoui ; quand vous ressentez une réelle clarté, c’est signe que l’agressivité a momentanément cessé ; et quand vous faites l’expérience d’un état sans pensée, c’est signe que votre ignorance a temporairement disparu.

Ce sont de bonnes expériences en soi, mais si l’attachement s’en mêle, elles se transforment en obstacles. 

Les expériences ne sont pas en elles-mêmes la réalisation. 

Cependant, si nous ne nous attachons pas à elles, elles deviennent ce qu’elles sont en réalité : des matières premières pour la réalisation. 

Les expériences négatives sont souvent les plus trompeuses parce que nous les interprétons généralement comme un mauvais signe. 

Pourtant, malgré les apparences, elles sont une bénédiction dans la pratique. 

Efforcez-vous de ne pas y réagir par l’aversion, comme vous pourriez normalement être tenté de le faire, mais reconnaissez-les pour ce qu’elles sont véritablement : de simples expériences, aussi illusoires qu’un rêve. 

Réaliser la nature véritable des expériences vous libère du mal ou du danger qu’elles pourraient représenter. 

Par conséquent, même une expérience négative peut devenir une source de grande bénédiction et d’accomplissement. 

Il existe d’innombrables histoires relatant la façon dont les maîtres ont ainsi tiré parti de leurs expériences négatives, pour les transformer en catalyseurs de leur réalisation. 

Il est dit traditionnellement que, pour un pratiquant véritable, ce ne sont pas les mauvaises expériences mais les bonnes qui créent des obstacles. 

Quand tout va bien, il vous faut être particulièrement vigilant et prudent si vous ne voulez pas devenir trop sûr de vous ou autosatisfait. 

Souvenez-vous de ce que Dudjom Rinpoché m’a dit, alors que j’étais au cœur d’une expérience très intense : “ Ne te laisse pas trop impressionner. En fin de compte, ce n’est ni bien ni mal …”

Il savait que je commençais à m’attacher à l’expérience et cet attachement, comme tous les autres, doit être tranché. 

Dans la méditation comme dans la vie, il nous faut apprendre à demeurer libres de l’attachement aux bonnes expériences, et de l’aversion envers les mauvaises. 

Dudjom Rinpoché nous avertit d’un autre piège : “Dans votre pratique de la méditation, vous pourriez par ailleurs faire l’expérience d’un état apathique, semi-conscient, “vaseux”, comme si vous aviez la tête recouverte d’un capuchon : c’est une sorte de rêverie indolente. 

Ce n’est réellement rien d’autre qu’une sorte de stagnation trouble, un état d’absence. 

Comment émerger de cet état ? 

Réveillez-vous, redressez-vous, expulsez l’air vicié de vos poumons et dirigez votre conscience vers la clarté de l’espace pour vous rafraîchir l’esprit. 

Tant que vous demeurez dans cet état de stagnation, vous n’évoluerez pas. 

Aussi, à chaque fois que cet obstacle se produit, clarifiez votre esprit. 

Il est important d’être aussi attentif et vigilant que possible.”

Quelle que soit la méthode utilisée, renoncez-y ou laissez-la simplement se dissiper d’elle-même, quand vous vous apercevez que vous êtes parvenu à un état de paix alerte, spacieux et vif. 

Libre de toute distraction, demeurez tranquillement dans cet état, sans employer de méthode particulière. 

La méthode a déjà atteint son but ; cependant, si jamais votre esprit s’égare, si vous devenez distrait, ayez recours à la technique qui vous semble la plus appropriée pour revenir à vous-même. 

La gloire de la méditation n’est pas le fait d’une méthode particulière, mais de l’expérience continuellement renouvelée de présence à soi-même, dans la félicité, la clarté, la paix et, par-dessus tout, dans l’absence totale de saisie. 

Lorsque la saisie diminue en vous, cela montre que vous êtes moins prisonnier de vous-même. 

Plus vous ferez l’expérience de cette liberté, plus il deviendra manifeste que l’ego est en train de disparaître, et avec lui les espoirs et les peurs qui le maintenaient en vie ; et plus vous vous rapprocherez de la “sagesse qui réalise le non-ego”, d’une générosité infinie. 

Quand vous vivrez dans cette “demeure de sagesse”, vous ne percevrez plus de frontière entre le “je” et le “vous”, entre “ceci” et “cela”, "l'intérieur" et “l’extérieur”. 

Vous aurez finalement atteint votre vraie demeure, l’état de non-dualité.

 

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