LA MÉDITATION 14
L'INTÉGRATION : LA MÉDITATION DANS L’ACTION
Je me suis aperçu qu’aujourd’hui, ceux qui s’engagent dans une voie spirituelle ne savent pas toujours comment intégrer la pratique de la méditation dans leur vie quotidienne.
Je n’insisterai jamais assez sur ce point : la raison d’être, l’intérêt et le but tout entiers de la méditation sont d’intégrer celle-ci dans l’action.
La violence et les tensions, les défis et les distractions de la vie moderne rendent cette intégration d’autant plus urgente et nécessaire.
Certaines personnes se plaignent à moi en ces termes : “ Je médite depuis douze ans et pourtant rien n’a changé ; je suis resté le même. Pourquoi?”
La raison est qu’un abîme sépare leur pratique spirituelle de leur vie quotidienne, qui semblent exister dans deux mondes distincts sans aucunement s’inspirer l’une l’autre.
Cela me rappelle un professeur que je connaissais lorsque j’étais à l’école au Tibet.
Il pouvait brillamment exposer les règles de la grammaire tibétaine, mais savait à peine écrire une phrase correcte !
Comment donc parvenir à cette intégration, que faire pour imprégner notre vie quotidienne de l’humour tranquille et du détachement spacieux de la méditation ?
Rien ne peut remplacer la pratique régulière.
En effet, c’est seulement par une pratique véritable que nous pourrons savourer sans interruption le calme de la nature de notre esprit, et en prolonger l’expérience dans notre vie de tous les jours.
Je recommande toujours à mes étudiants de ne pas sortir trop vite d’une séance de méditation.
Accordez-vous quelques minutes pour que la paix née de la pratique s’infiltre dans votre vie.
“Ne vous levez pas d’un bond”, disait mon maître Dudjom Rinpoché, “ne partez pas trop vite, mais laissez votre vigilance s’intégrer à votre vie. Soyez comme un homme qui souffre d’une fracture : il demeure toujours attentif à ce que personne ne le heurte.”
Après la méditation, il est important de ne pas céder à la tendance consistant à souffler notre perception du monde.
Quand vous revenez à votre existence quotidienne, permettez à la sagesse, à la vision profonde, à la compassion, à l’humour, à l’aisance, à la largeur d’esprit et au détachement nés de la méditation d’imprégner votre expérience.
La méditation éveille en vous la réalisation de la nature illusoire et chimérique de toute chose.
Maintenez cette lucidité au coeur même du samsara.
Un grand maître disait : “Après la pratique de la méditation, on devrait devenir un enfant de l’illusion.”
Dudjom Rinpoché donnait le conseil suivant : “En un sens, tout est illusoire et possède la nature du rêve.
Pourtant, malgré tout, continuez à agir avec humour.
Si vous marchez par exemple, dirigez-vous d’un coeur léger, sans raideur ni solennité inutile, vers le vaste espace de la vérité.
Quand vous êtes assis, soyez la citadelle de la vérité.
Quand vous mangez, emplissez le ventre de la vacuité de vos négativités et de vos illusions ; laissez-les se dissoudre dans l’espace qui pénètre tout.
Et quand vous allez aux toilettes, considérez que tous vos obscurcissements et tous vos blocages sont par là même purifiés et éliminés.”
Ce n’est donc pas seulement la pratique assise qui importe mais, bien plus, l’état d’esprit dans lequel vous vous trouvez après la méditation.
C’est cet état d’esprit calme et centré qu’il vous faut prolonger dans chacune de vos actions.
J’aime cette histoire zen où le disciple demande à son maître :
“Maître, comment appliquez-vous l’éveil à l’action ? Comment le mettez-vous en pratique dans la vie de tous les jours ?
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En mangeant et en dormant, répond le maître.
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Mais, Maître, tout le monde mange et tout le monde dort.
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Mais tous ne mangent pas quand ils mangent, et tous ne dorment pas quand ils dorment !”