LA MÉDITATION 6

LA POSTURE

Les maîtres disent : “Si vous créez des conditions favorables dans votre corps et votre environnement, la méditation et la réalisation s’élèveront automatiquement.” 

Parler de la posture n’est pas une pédanterie ésotérique. 

Tout l’intérêt d’une position correcte, c’est de créer un environnement particulièrement inspirant pour la méditation et pour l’éveil de Rigpa. 

Un rapport existe entre la position du corps et l’attitude de l’esprit. 

Le corps et l’esprit sont reliés et la méditation s’élève naturellement lorsque votre posture et votre attitude sont inspirées. 

Si vous êtes assis en posture de méditation et que votre esprit n’est pas pleinement en harmonie avec votre corps - si vous êtes par exemple préoccupé ou angoissé -, vous éprouverez un malaise physique et les difficultés auront tendance à se manifester plus facilement. 

Par contre, un état d’esprit calme et inspiré influera grandement sur votre position et vous permettra de la maintenir plus naturellement et sans effort.

C’est pourquoi il est essentiel de parvenir à une union entre l’attitude corporelle et la confiance née de la réalisation de la nature de l’esprit. 

La posture que je vais vous décrire ici diffère peut-être légèrement de celles dont vous avez l’habitude. 

Elle provient des enseignements anciens du Dzogchen. C’est celle que mes maîtres m’ont enseignée, et je la trouve extrêmement efficace. 

Il est dit dans les enseignements Dzogchen que votre Vue et votre posture devraient être comme une montagne. 

Votre Vue est la totalité de votre compréhension de la nature de l’esprit, et c’est cela que vous apporterez à la méditation. 

Ainsi, la Vue se traduit par la posture en même temps qu’elle l’inspire, exprimant le cœur même de votre être dans votre position assise. 

Soyez assis avec toute la majesté inaltérable et inébranlable de la montagne. 

La montagne est complètement naturelle et bien établie sur ses bases, quelle que soit la violence des vents qui l’assaillent ou l’épaisseur des nuages sombres qui tourbillonnent à son sommet. 

Assis comme une montagne, laissez votre esprit s’élever, prendre son essor et planer dans le ciel. 

Le point essentiel de cette posture est de garder le dos droit, comme une flèche ou “une pile de louis d’or”. 

L’énergie intérieure ou prana circulera alors aisément dans les canaux subtils de votre corps, et votre esprit trouvera son véritable état de repos.

Ne forcez rien. 

La partie inférieure de la colonne vertébrale possède une cambrure naturelle ; celle-ci doit être détendue tout en restant droite. 

Sentez que votre tête repose sur le cou de façon souple et agréable. 

Ce sont les épaules et la partie supérieure de votre thorax qui supportent le dynamisme et la grâce de la posture ; leur maintien doit exprimer une force dépourvue de raideur. 

Asseyez-vous jambes croisées. 

Il n’est pas nécessaire de prendre la position du lotus, sur laquelle on met davantage l’accent dans les pratiques avancées de yoga. 

Les jambes croisées expriment l’unité de la vie et de la mort, du bien et du mal, des moyens habiles et de la sagesse, des principes masculin et féminin, du samsara et du nirvana ; l’humour de la non-dualité. 

Il se peut que vous préfériez vous asseoir sur une chaise, les jambes détendues ; assurez-vous alors que vous gardez toujours le dos bien droit. 

Dans la tradition de méditation qui est la mienne, nous gardons les yeux ouverts ; c’est là un point très important. 

Cependant, si vous êtes facilement dérangé par des perturbations extérieures, il peut vous sembler utile, au début de la pratique, de les fermer un moment et de vous tourner tranquillement vers l’intérieur. 

Une fois établi dans le calme, ouvrez progressivement les yeux : vous découvrirez que votre regard est devenu plus paisible et plus serein. 

Abaissez-les maintenant et regardez juste devant vous, le long de votre nez, selon un angle de 45 degrés environ.

D’une manière générale, voici un conseil pratique : quand votre esprit est très agité, il vaut mieux regarder vers le bas ; quand il est morne ou somnolent, dirigez plutôt votre regard vers le haut. 

Lorsque votre esprit s’est apaisé et que la clarté du discernement commence à se manifester, vous vous sentez prêt à lever les yeux : ouvrez-les alors davantage et dirigez votre regard dans l’espace, droit devant vous. 

C’est le regard que l’on recommande dans la pratique Dzogchen. 

Dans les enseignements Dzogchen, il est dit que votre méditation et votre regard devraient être vastes comme l’étendue de l’océan : ouverts, sans limite, embrassant tout. 

De même que votre Vue et votre posture sont inséparables, ainsi votre méditation inspire-t-elle votre regard. 

Ils se fondent l’un dans l’autre et deviennent un. 

A ce moment, ne portez pas votre attention sur un objet particulier ; revenez légèrement en vous-même, et laissez votre regard s’élargir et devenir de plus en plus vaste et spacieux. 

Vous constaterez alors que votre vision elle-même est devenue plus ample et que votre regard exprime davantage de paix, de compassion, d’équanimité et d’équilibre. 

Le nom tibétain du bouddha de la compassion est Chenrézig. Chen signifie l’oeil, ré le coin de l’oeil et zig voir : cela veut dire que de ses yeux emplis de compassion, Chenrézig perçoit les besoins de tous les êtres. 

Laissez de même la compassion qui émane de votre méditation rayonner doucement par vos yeux.

Votre regard deviendra alors le regard même de la compassion, semblable à l’océan et embrassant tout. 

On garde les yeux ouverts pour plusieurs raisons. 

D’abord, l’on a moins tendance à somnoler. Ensuite, la méditation n’est pas un moyen de fuir le monde, ou de s’en échapper par le biais de l’expérience extatique d’un état de conscience altéré. 

C’est, au contraire, un moyen direct pour nous aider à nous comprendre véritablement, et à nous relier à la vie et à l’univers. 

C’est pourquoi, dans la méditation, vous gardez les yeux ouverts. 

Au lieu de vous couper de la vie, vous demeurez réceptif, en paix avec toute chose. 

Vos sens - l’ouïe, la vue, le toucher - demeurent naturellement en éveil, tels qu’ils sont sans que vous poursuiviez leurs perceptions. 

Dudjom Rinpoché disait : “ Bien que différentes formes apparaissent, elles sont en essence vides ; pourtant, dans la vacuité, des formes sont perçues. 

Bien que différents sons soient entendus, ils sont vides ; pourtant, dans la vacuité, des sons sont perçus.

Différentes pensées s’élèvent aussi, elles sont vides ; pourtant dans la vacuité, des pensées sont perçues.”

Quoi que vous voyiez ou entendiez, ne vous y attachez pas, laissez-le tel quel. 

Laissez l’ouïe, la vue dans la vue, sans permettre à la saisie dualiste d’infiltrer vos perceptions.

Selon la pratique spéciale de la luminosité dans le Dzogchen, toute la lumière de votre énergie de sagesse réside dans le centre d’énergie du cœur, qui est relié aux yeux par des “canaux de sagesse”. 

Les yeux sont les “portes” de la luminosité ; vous devez les garder ouverts afin de ne pas bloquer ces canaux de sagesse. 

Lorsque vous méditez, ayez la bouche entrouverte comme si vous étiez sur le point d’émettre un “Aaah” profond et relaxant. 

Il est dit que si l’on garde la bouche légèrement entrouverte en respirant principalement par celle-ci, les “souffles karmiques” qui créent les pensées discursives ont en principe moins de chance de s’élever et de créer des obstacles dans votre esprit et dans votre méditation.

Laissez vos mains reposer confortablement sur vos genoux. C’est ce qu’on appelle la posture de “l’esprit à l’aise”. 

Il y a dans cette posture une étincelle d’espoir, un humour enjoué, inspiré par la compréhension secrète que nous possédons tous la nature de bouddha. 

Ainsi, lorsque vous prenez cette posture, vous imitez avec légèreté le bouddha, reconnaissant votre propre nature de bouddha et l’encourageant réellement à se manifester. 

En fait, vous commencez à éprouver du respect pour vous-même en tant que bouddha potentiel. 

En même temps, vous reconnaissez encore votre condition relative. 

Mais puisque vous vous êtes laissé inspirer par une confiance joyeuse en votre propre nature de bouddha, il vous est plus facile d’accepter vos aspects négatifs et vous pouvez vous en accommoder avec davantage de bienveillance et d’humour.

Lorsque vous méditez,invitez-vous ainsi à ressentir l’estime de soi, la dignité, l’humilité et la force du bouddha que vous êtes. 

Je dis souvent qu’il suffit de se laisser inspirer par cette confiance pleine de joie, car la méditation s’élèvera ainsi spontanément. 

 

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